Nous vous en parlions fin 2023 : alors que la RE2020 continue de transformer la manière dont nous concevons, construisons et exploitons les bâtiments, la réflexion collective se projette déjà plus loin. CAP 2030, initiative prospective réunissant de nombreux acteurs du secteur, vise à anticiper les futures évolutions réglementaires et environnementales.
À travers ses groupes de travail (GT), le projet explore des thématiques techniques, environnementales et méthodologiques clés. Les premiers livrables issus de la phase 1 viennent d’être publiés pour l'ensemble des groupes de travail. Amoès est membre des GT1 (Neutralité carbone), GT2 (Étanchéité à l’air), GT8 (Adaptation au changement climatique) ainsi que du GT transverse sur les solutions lowtech.
On vous emmène pour un tour d'horizon des premiers rendus des groupes de travail auxquels nous participons !
Le groupe GT1 a bouclé une première phase dense autour de la qualité des ACV, avec un objectif clair : garantir leur conformité, leur fiabilité et leur lisibilité.
Trois axes de vérification ont été identifiés :
Conformité aux exigences réglementaires et aux méthodes standardisées,
Précision et fiabilité : cela implique de vérifier l’exactitude des données environnementales utilisées, leur cohérence avec le projet réel, et l’exhaustivité des contributeurs analysés,
Transparence : les résultats doivent être compréhensibles par toutes les parties prenantes du projet (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, AMO, certificateurs…).
Un outil Excel de vérification a été élaboré. Il permet de passer en revue :
les composants pris en compte,
le périmètre du calcul (en distinguant les éléments soumis ou non aux seuils),
les équivalents fonctionnels utilisés,
les sources des données (DPGF, CCTP, DOE, bons de livraison, etc.),
la traçabilité des métrés.
La méthode de vérification prévoit une double temporalité :
En phase conception : contrôle documentaire,
En phase chantier : contrôle documentaire complété par une visite sur site.
Mais une question demeure : qui est responsable de la vérification ? Si les certificateurs sont parfois identifiés comme les évaluateurs de référence, le rôle exact des autres parties reste à préciser.
Et ensuite ? La phase 2, lancée en mars 2025, portera sur des sujets sensibles comme :
la valorisation des services rendus par les bâtiments (végétalisation, récupération d’eau, recharge électrique…),
les externalités positives ignorées dans les indicateurs au m²,
l’intensification d’usage, actuellement pénalisée dans les calculs.
Un cadre méthodologique sera construit, son objectif serait d'intégrer ces éléments dans les futures ACV réglementaires.
Le groupe de travail GT2 a posé les bases d’une approche systématique du suivi de la perméabilité à l’air, jugée encore trop hétérogène sur le terrain.
Le suivi serait obligatoire pour :
les bâtiments résidentiels collectifs > 2000 m² SHAB,
les bâtiments tertiaires.
Il resterait fortement recommandé pour les autres typologies.
6 étapes clés ont été proposées pour encadrer cette démarche :
Fixer les objectifs de performance et les partager avec les entreprises,
Adapter la conception : repérer les points sensibles, élaborer un carnet de détails techniques, identifier les interfaces critiques,
Former et sensibiliser la conduite d’opération et les entreprises à ces enjeux,
Suivre le chantier, avec un référent dédié à la perméabilité,
Mesurer la perméabilité finale avec un opérateur indépendant (certifié QUALIBAT 8711),
Compléter une attestation de suivi signée par le responsable du suivi.
Ce dernier – le responsable de la perméabilité à l’air – doit être missionné dès la conception. Il peut être accompagné par une AMO spécialisée, tandis que la mesure reste du ressort d’un acteur tiers indépendant.
Un nouvel indicateur est introduit : QE50, qui exprime le débit de fuite spécifique à 50Pa (en m³/h.m²). Il prend en compte l’ensemble de l’enveloppe déperditive, y compris les planchers bas. Cela permet une évaluation plus robuste de la performance réelle.
Enfin, des propositions de seuils de perméabilité à l'air du bâti (Q4) par typologie de bâtiments tertiaires ont été faites pour la période jusqu'au 31.12.2027 et également à partir du 01.01.2028. On notera que ces seuils sont également proposés pour des typologies non soumises à la réglementation (RT ou RE) : par exemple, les piscines pourraient avoir un objectif de Q4 de 1.50 m3/h.m² jusqu'à fin 2027 et de 1.30 à partir de 2028 (date de dépôt du PC).
Pour la phase 2, débutée début 2025, le GT se concentrera sur la mesure de la performance réelle à la réception sur certains items comme la ventilation par exemple.
Du côté du GT8, les livrables sont encore embryonnaires, mais le groupe a avancé sur un cadrage méthodologique indispensable pour aborder un sujet complexe : comment anticiper l'impact du changement climatique sur le bâti et ses usages ?
Les aléas climatiques considérés incluent :
Vagues de chaleur : plus fréquentes, plus longues, plus intenses,
Vagues de froid : moins fréquentes, mais potentiellement plus violentes localement,
Sécheresses longues et intenses,
Fortes pluies : intensité et durée accrues,
Vents violents, orages-grêle, submersions, feux de forêt, inondations, retraits-gonflements des argiles, mouvements de terrain, manque d’eau.
Les risques induits pour le bâtiment sont nombreux :
Surchauffe,
Dégradation de la qualité de l’air intérieur (moisissures, polluants chimiques…),
Altération du bâti, notamment en zone argileuse ou en cas d’inondation.
Les prochaines étapes du GT8 :
Élaborer une grille d’analyse des risques en fonction du contexte local et du type de bâtiment,
Développer une méthode de diagnostic de vulnérabilité pour aider les acteurs à anticiper et concevoir des bâtiments plus résilients.
Enfin, le groupe transverse dédié aux solutions lowtech s’inscrit dans une démarche d’innovation frugale. Loin des technologies coûteuses ou complexes, ce GT s’intéresse à des solutions sobres, robustes et accessibles, parfois anciennes, souvent négligées.
Le GT travaille à :
Recenser les solutions existantes et leur retour d’expérience,
Identifier les leviers de massification,
Proposer des critères d’évaluation environnementale et sociale spécifiques aux lowtech,
Favoriser leur intégration dans les démarches réglementaires, sans les pénaliser.
Cette approche complète les autres GT, en apportant une vision transversale de la résilience, de la sobriété et de la réplicabilité à large échelle.
Ces premiers livrables témoignent de la richesse et de la diversité des réflexions engagées dans le cadre de CAP 2030. Entre structuration méthodologique, outils concrets et mise en débat des sujets encore peu traités (comme les externalités positives ou l’adaptation au climat), les groupes de travail posent des fondations solides pour une réglementation post-RE2020.
La suite des travaux s’annonce prometteuse, notamment avec le lancement des phases 2 des GT1, GT2 et GT8, et l’accélération de la dynamique autour des solutions lowtech.